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Alors que les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo 2020 se sont achevés en septembre dernier, nous avons pu constater que le monde a vibré pour la flamme sportive et au rythme des médailles remportées par les différentes délégations. Cependant, force est de constater que les Sourds et la langue des signes n’ont pas (ou peu) été représentés lors de ces deux événements sportifs majeurs. Aux derniers jeux paralympiques lors de la cérémonie de clôture, une polémique a même éclaté concernant l’interprétation de l’hymne national en Langue des Signes Française (LSF) par une personne entendante. La Fédération Nationale des Sourds de France (FNSF) ainsi qu’une partie de la communauté signante a vivement critiqué sur les réseaux sociaux cette participation. Ils ont pointé l’invisibilisation des personnes sourdes signantes lors de cette cérémonie. D’après eux, il aurait été plus légitime de faire appel à un représentant de la communauté ayant à la fois les compétences techniques, artistiques et culturelles pour y interpréter la Marseillaise en LSF. Néanmoins, les sourds ont eux aussi une histoire très étroite avec le sport même si elle se distingue de celles des Jeux olympiques et paralympiques. Au début du 20e siècle, pour beaucoup d’entre eux, les clubs et associations sportives ont été des espaces de socialisation dans lesquels ils pouvaient échanger dans leur langue et transmettre ainsi la culture sourde à leurs pairs.

Le sport, une valeur refuge pour les Sourds

Pour comprendre l’enjeu que représente la pratique sportive pour la communauté sourde, il faut remonter l’histoire et s’attarder sur la fin du 19e et le début du 20e siècle. Après le congrès de Milan qui s’est tenu en 1880 (Pour en savoir davantage, cliquez sur le lien vers l’article : « La Langue des Signes Française a-t-elle été interdite en France ? »), des résolutions ont été adoptées en faveur de l’utilisation de la méthode orale seule dans l’éducation des sourds. Ils ont malgré tout continué d’interagir entre eux dans cette langue en dehors du cadre scolaire. Cependant, l’image de celle-ci en a fortement pâti et l’oral s’est imposé dans les méthodes pédagogiques au sein d’établissements accueillant des enfants sourds.

Au début du 20e siècle, parallèlement à cela, nous avons pu observer une valorisation croissante de la pratique sportive dans les discours des pouvoirs publics. L’usage et la pratique de la bicyclette se sont aussi démocratisés au sein de la population française. La promotion de la santé physique s’est diffusée y compris dans la communauté sourde. À cette époque, les médecins préconisaient aux sourds de pratiquer un sport régulièrement afin d’empêcher leurs poumons de s’atrophier faute de pouvoir parler comme des entendants. À cette époque, on voit alors apparaître les premiers regroupements sportifs de sourds, notamment dans le cyclisme, puis la formation des premières associations sportives.

Les Sourds se sont emparés de ces espaces pour faire du sport mais aussi pour s’y rencontrer. Des moments qui marquaient pour eux de réelles pauses dans leurs quotidiens contraints aux efforts de l’oralisation. Ils pouvaient y pratiquer naturellement la langue des signes entre eux. « Des jeux silencieux » se sont même créés en parallèle des Jeux olympiques en 1924 à Paris et ont permis de rassembler 148 sportifs sourds venant de neuf nations. Eugène  Rubens-Alcais, Antoine Dresse et avec eux d’autres sourds ont été à cette initiative. Celle-ci perdure encore aujourd’hui sous le nom de « Deaflympics » et représente un enjeu conséquent dans le paysage sportif mondial sourd mais, aussi dans le patrimoine culturel sourd.

Des « jeux silencieux » aux « Deaflympics »

Les Deaflympics sont organisés tous les deux ans, en alternant été/hiver. Les derniers jeux d’été se sont déroulés en 2017 à Samsun en Turquie. Ils ont rassemblé plus de 3 300 athlètes, en provenance de 96 pays et de cinq continents. 21 sports étaient représentés. Les prochains jeux auront lieu à Caxias do Sul au Brésil en 2022. Nous avons rencontré Sylvain Morvan, le sélectionneur et entraîneur de l’équipe de France de Football sourd depuis 2020. Après un parcours de joueur de haut niveau et avoir été lui-même champion d’Europe, il est actuellement à la tête du groupe France et va mener son équipe jusqu’au Deaflympics de Caxias do Sul en 2022.

Comment se passe la préparation des joueurs en vue des prochains Deaflympics ?

Sylvain Morvan : tout se passe très bien. J’ai sélectionné les joueurs pour constituer un groupe cohérent et homogène. Tous sont à la fois solides physiquement et mentalement. Le niveau est très haut, j’ai sélectionné uniquement des joueurs prêts à 100 %. Je les sens capables de gagner.  En plus,  il y a une bonne entente entre eux, du respect et une écoute mutuelle.

Les sourds ne participent pas aux jeux paralympiques, mais ont leur propre événement sportif  les « Deaflympics ». D’après vous pourquoi ?

Sylvain Morvan : je pense qu’il y a un désir de se regrouper chez les sourds, de communiquer ensemble autour du sport. Les Deaflympics sont des jeux très importants, car c’est un moment de rassemblement des sourds à travers le monde.

Quelles sont les valeurs que vous défendez avec votre équipe de France de football sourd ?

Sylvain Morvan : pour moi, c’est la tolérance. C’est primordial de s’accepter tous comme nous sommes. Dans mon équipe, il y a des profils de sourds très différents : des sourds profonds, d’autres qui s’expriment en LSF, qui oralisent, etc. L’objectif est de constituer un groupe, un collectif malgré toutes les différences entre les joueurs. Et bien sûr de gagner.

Le football est un sport n°1 avec le plus de licenciés chez les sourds. Pourquoi un tel engouement, à votre avis ?

Sylvain Morvan : c’est un sport de groupe. Il faut être attentif aux signes. Le visuel est très important sur le terrain. Il faut savoir jouer ensemble, prendre l’information en avance et communiquer à distance pour ne pas manquer des occasions. Les sourds sont très forts pour capter des informations visuelles. Et en plus, ils peuvent signer à distance pour se transmettre des informations.

Chez Elioz, nous avons nous aussi notre champion !

David Cloux, notre Digital Designer nous raconte son parcours de sportif de haut niveau dans le cyclisme. Dès le plus jeune âge, il s’est montré passionné par cette discipline. Mais c’est à partir de 14 ans qu’il commence vraiment à participer à des compétitions, principalement de VTT. À 18 ans, il intègre un club de cyclisme qui a su repérer ses capacités athlétiques et son esprit de compétition. Il participera à plusieurs compétitions et ensuite aux Deaflympics d’été en Australie en 2005 à l’issue desquels il gagnera la médaille d’or sur la route pour l’équipe de France. Il ira également aux Deaflympics de Taïwan en 2009. Il remportera plusieurs fois des titres nationaux et européens jusqu’en 2010, date à laquelle il prendra sa retraite sportive.

L’histoire du sport sourd s’est fondée en partie sur le cyclisme, est ce que c’est pour cette raison que vous avez choisi ce sport ?

David Cloux : pour ma part, ce n’est pas lié à cela. C’est une passion que j’ai développée tôt. Je faisais déjà régulièrement du vélo étant jeune, car j’habitais dans un environnement qui se prêtait bien à cette pratique. Mais lorsque j’ai commencé les compétitions de cyclisme, j’avais surtout envie de me dépasser moi-même sur le plan physique et mental. Je voulais aussi démontrer qu’en tant que sourd, je pouvais parfaitement m’intégrer parmi les entendants, et même remporter des podiums face à eux. D’ailleurs, j’éprouvais une certaine fierté dans ces cas-là.

Vous avez une expérience de la compétition à la fois dans le milieu entendant, mais aussi dans le milieu sourd que vous ont apporté les deux mondes ?

David Cloux : au départ, je ne savais pas qu’il existait des clubs de cyclisme de sourds. C’est pour cette raison que je me suis naturellement dirigé vers les clubs composés d’entendants. J’ai su plus tard qu’il y avait quelques rares clubs éparpillés en France. Lorsque j’ai participé pour la première fois aux championnats de France de cyclisme sourd, j’ai pu voir que nous étions nombreux à partager cette même passion. Cependant, le rythme des compétitions était incomparable du côté des entendants puisqu’elles avaient lieu tous les week-ends. C’était très stimulant pour moi et j’ai vraiment pu progresser dans ces courses. Alors que celles avec les sourds, étaient beaucoup plus occasionnelles, une fois tous les trois ou quatre mois. Mais par contre, lors de ces événements, j’avais vraiment plaisir à échanger et à partager mes expériences sportives avec eux. C’était beaucoup plus facile d’interagir en langue des signes et j’avais accès à bon nombre d’informations liées à notre sport. Ce qui n’était pas le cas du côté des entendants où je me retrouvais souvent exclu des discussions menées à l’oral.

Vous avez participé à deux reprises aux Deaflympics, quelle impression a laissé chez vous cette expérience en tant que sportif de haut niveau sourd ?

David Cloux : Avant 2001, je ne savais pas qu’il existait des Deaflympics alors que je viens d’une famille de sourd. Mais dès que j’ai su cela, j’ai eu comme seul objectif d’y participer quatre ans plus tard en Australie. J’ai totalement planifié mon plan mon programme d’entraînement et d’alimentation. Ma première participation aux jeux a été chargée en émotion pour moi. Je me suis retrouvé parmi des milliers d’athlètes sourds venant du monde entier, dans différentes catégories. J’ai remporté la médaille d’or alors j’étais d’autant plus ravi de cette expérience. J’ai découvert aussi l’histoire de ces jeux et j’ai appris qu’à l’origine,  Eugène Rubens-Alcais, un Français faisait partie des fondateurs. Ce qui m’a donné encore plus envie de remporter la médaille d’or pour rendre hommage à cette histoire.

Pourquoi d’après vous les Deaflympics et les Jeux olympiques sont deux événements sportifs séparés ?

David Cloux : Pour moi, peu importe les circonstances, il faut maintenir les Deaflympics pour leur esprit, l’ambiance qu’on y retrouve, la culture sourde qu’ils véhiculent. C’est un espace dans lequel la langue des signes est LA langue de communication. Mais j’aimerais toujours qu’ils intègrent le même circuit médiatique que les Jeux olympiques et paralympiques qui bénéficient d’une plus grande visibilité. Le mieux serait que tous les jeux aient lieu la même année.

Pour la génération actuelle, le sport a-t-il la même valeur que pour la génération de sourds qui a vécu la période post congrès de Milan ?

David Cloux : Pour moi, les valeurs et l’esprit sportif sourd restent les mêmes à travers le temps. Mais comme la société a changé, les enjeux politiques autour du sport ont normalement évolué aussi. Le sport reste tout de même un lieu privilégié de rencontres entre sourds, de compétitions et de dépassement de soi vis-à-vis des autres sourds, mais également du monde qui les entoure.

Est-ce que vous allez participer en tant que spectateur aux prochains Deaflympic qui se tiendront à Caxias do Sul, au Brésil en 2022 ?

David Cloux : Je ne pense pas de venir aux prochains Deaflympics au Brésil. En tout cas, je garde un excellent souvenir de ma carrière de sportif de haut niveau. Les médailles qui trônent sur mon mur sont là pour me les rappeler. Les valeurs transmises par mon sport se déclinent maintenant dans ma philosophie de vie en général.

Elioz s’engage pour le sport sourd

Nous sommes désormais un sponsor officiel de la  FF volley/volley sourd. L’équipe de France a participé aux derniers mondiaux et a été jusqu’en demi-finale. Elle a obtenu la 4ème place du classement.

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